La Suisse romande a probablement le record du nombre de
festivals de musique par habitant à la belle saison. Et pourtant,
quelques fous ont cru bon d’en ajouter un petit nouveau, baptisé
l’Irreversible Festival, dans le chablais valaisan. Au final, après
deux ans de préparation quand même, ce sont donc deux soirs de
concerts intelligemment répartis entre une première soirée pop-rock
familial et une seconde, celle qui nous intéresse, dédiée au metal,
le tout en faisant la part belle aux formations suisses à chaque
fois. Ajoutez à cela une organisation impeccable, ainsi qu’un
chouette accueil, et vous comprendrez pourquoi on va reparler de ce
festival dans le futur.
Betraying The Martyrs
Après deux groupes suisses en ouverture (Circle of Execution et
Herod), ce sont les français de Betraying The Martyrs et leur
frontman britannique qui investissent la grande scène. Avec un style
qu’ils définissent eux-mêmes comme du Deathcore, il est vite clair
que cela va bouger sans discontinuer jusqu’à la dernière chanson.
Avec trois albums à son actif, Betraying The Martyrs a de quoi
proposer un set de soixante minutes super carré. Le groupe saute
dans tous les sens, l’occasion d’observer la belle détente d’Aaron
Matts, et c’est communicatif au point qu’un petit circle pit est
lancé par le public sous le soleil qui brille désormais fort sur
Monthey. Comme la plupart des membres du groupe sont français, la
communication est aisée avec notamment Victor Guillet (claviers) qui
prendra la parole à plusieurs occasions entre les morceaux.
Clairement un groupe qui à mon goût est plus intéressant en live que
sur disque.
Lacuna Coil Le groupe italien
découvrait la partie francophone de notre pays il y a 19 ans déjà en
ouvrant pour The Gathering et Seigmen à la Dolce Vita de Lausanne
sur le Nighttime Birds Tour. Ce soir, ils sont incontestablement une
des deux têtes d’affiches de la soirée grâce notamment à un style
qui est devenu bien plus heavy avec le temps.
Après
un concert la veille à Soleure et avant une date à Tel-Aviv, le
Sanatorium tour s’arrête donc à Monthey. Alors que la bande d’intro
est lancée, les cinq musiciens de Lacuna Coil débarquent sur la
grande scène avec leurs camisoles de force blanches et se lancent
directement dans « Ultima Ratio » du dernier album, puis «
Spellbound » et « Die And Rise », avant un classique « Heaven’s A
Lie ».
Au niveau visuel, l’ambiance est très réussie. On a
vraiment l’impression qu’ils se sont échappés d’un asile
psychiatrique comme l’annonçait la bande d’introduction sonore.
Mention spéciale au capitaine Maki (basse) qui s’est en donné à cœur
joie avec le maquillage, probablement encore tout content d’avoir
rencontré pour la première fois une partie de sa famille valaisanne.
Quelques morceaux plus tard, Cristina dédiera « Downfall » à
Chris Cornell, décédé cette semaine, en invitant le public à se
pencher sur les paroles de la chanson. Ce sera ensuite un incroyable
« Our Truth » avec un groupe bondissant tout au long au morceau. On
se demande comment Andrea et surtout Cristina assurent aussi bien
leurs parties vocales en remuant autant. Impressionnant d’aisance.
Ce sera alors au tour de la très réussie reprise de Depeche Mode
« Enjoy The Silence » de trouver sa place dans la setlist et de
convier la foule à un karaoké géant. Comme à l’habitude, Cristina
communique beaucoup avec le public et lui demande encore de de
donner de la voix en scandant We-Fear-Nothing pour lancer « Nothing
Stands In Our Way ».
Étonnamment, il n’y aura pas de rappel après ce titre et les
trois derniers morceaux (« Delirium », « Zombies » et The House of
Shame ») seront enchaînés dans une belle ambiance.
Le temps
d’une photo avec le public derrière un drapeau italien et c’est déjà
terminé. Au final, une heure de concert, presque un peu court, et on
aurait rêvé d’avoir quelques morceaux supplémentaires, en
particulier des chansons plus anciennes du répertoire.
Setlist : Ultima Ratio | Spellbound | Die And Rise | Heaven’s A Lie
| Blood Tears Dust | Ghost In The Mist | Trip The Darkness |
Downfall | Our Truth | Enjoy The Silence | Nothing Stands In Our Way
| Delirium | Zombies | The House Of Shame
Clawfinger En voyant l’affiche, on se demandait s’il
s’agissait bien du groupe Clawfinger qui avait fait son petit effet
il y a plus de vingt ans avec « The Truth » et dont personnellement
je n’avais plus tellement entendu parler ensuite. Dernier groupe à
jouer sur la grande scène alors que la nuit est bien tombée et la
température drôlement rafraîchie, les Clawfinger débarquent en
tee-shirt confirmant ainsi à tout le moins qu’il s’agit bien de
musiciens nordiques habitués au froid. Le chanteur n’a plus ses
longs cheveux, mais on reconnait bien son visage, son humour et
surtout son énergie.
Le
groupe n’a pas de nouveau disque à promouvoir et se retrouve sur la
route avec un plaisir non dissimulé, que le public semble partager
d’emblée. Il faut dire que le style de Clawfinger est
particulièrement idéal pour les festivals : chaque chanson bouge, le
groupe bouge et donc la foule bouge aussi. Cela démarre fort avec «
Prisoners » pour monter en puissance jusqu’au classique, « Nigger »,
le premier titre du premier album, qui, il faut le rappeler, est une
chanson absolument pas raciste. Au contraire.
Je dois avouer
que mis à part « The Truth » en fin de set, la plupart des morceaux
me sont inconnus. Je réalise également que finalement, malgré une
carrière discrète après ce premier LP qui les a mis sur le devant la
scène, Clawfinger a continué d’écrire des bonnes chansons qui n’ont
pas grand-chose à envier à leurs classiques et qui justifient leur
place sur la grande scène.
En l’absence prolongée de Faith No
More en Europe et suite au split de Rage Against The Machine,
Clawfinger est une superbe alternative pour les fans de Rap Metal
énergique.
Il y aura une deuxième édition de l’Irreversible
Festival l’an prochain et on ne peut que vous recommander d’y aller,
surtout qu’il y a une vraie volonté de consacrer un soir entier à la
musique un peu forte qui nous plaît tant.
Autres
groupes
Outre les trois groupes déjà mentionnés
ci-dessus, il faut rappeler que l’affiche de cette soirée de samedi
offrait un beau plateau de groupes suisses, en réservant même deux
spots sur la grande scène à Circle of Execution et Herod.
Le premier a malheureusement débuté trop tôt pour que je puisse y
assister. Herod venu en voisin a de son côté délivré
une belle prestation, très carrée, devant un public encore
clairsemé, mais enthousiaste. Mike Pilat (ex-The Ocean), le nouveau
chanteur délivre la marchandise comme on dit dans le milieu de la
distribution et conviera Loïc Rossetti, l'actuel chanteur de The
Ocean, pour un petit duo agité bienvenu dans la deuxième partie du
set. En plus, visibilité max oblige en plein soleil, c'est un
bonheur de pour une fois bien voir les gratteux jouer de la guitare
à 8 cordes. Bref, Herod, c’était vraiment un bon choix pour chauffer
la foule avant le début des choses sérieuses.
Juste après le
set d’Herod, la seconde scène accueillait les rigolos de
Grand Canard Blanc pour un set acoustique bonnard comme
diraient les genevois présents ce soir. Cela dit, si la déconne est
très présente avant et après les morceaux (et surtout pendant), cela
reste quand même prodigieusement bien réalisé sur le plan technique.
Pour ma part, c’était par moment plus proche de la chanson que du
metal et du coup la mayo ne prenait pas suffisamment pour rester
jusqu’au bout. Et en parlant de mayo, faut bien manger aussi à un
moment pour tenir le coup.
Après Betraying The Martyrs, on
retrouvait sur la seconde scène encore un groupe suisse avec
Hundred Days pour un set acoustique. Emmené par sa
chanteuse Tyssa, les musiciens donnent dans le pop-rock un peu
groovy. Un peu de tendresse dans ce festival de musiques barbares en
somme. Pas de refus après le set deathcore des parisiens. Les
chansons sont sympas et le groupe nous offre en plus un hommage bien
senti à Chris Cornell en reprenant « Black Hole Sun » de Soundgarden
dans une belle version.
Enfin, Cardiac avait
une place de choix sur la seconde scène, juste entre les concerts de
Lacuna Coil et Clawfinger, surtout qu’en plus cette scène est sous
tente et qu’il y fait un peu plus chaud qu’à l’extérieur. Mais que
l’on ne s’y trompe pas, les gens sont bien présents pour
écouter
les Genevois en version acoustique et non juste se réchauffer. Tous
assis, avec le chanteur Ricardo au milieu en hauteur sur un
tabouret, les musiciens offrent un set très propre dans une bonne
ambiance détendue qui se prolongera ensuite dans les backstage en
fin de soirée. Personnellement, je préfère la musique de Cardiac
avec toute sa puissance et déplore un peu le côté monotone d’un set
entier acoustique. Cela dit, je suis venu en écoutant leur disque
unplugged dans la voiture, donc peut être que cela faisait un peu
surdose au final et que je ne dois m’en prendre qu’à moi-même.
Vivement quand même un retour en version électrique, et pourquoi pas
l’an prochain sur ce même site ?
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