Livereview: Paléo Festival

18. Juillet 2017, Nyon
Text & Pics by Alexandre P.

L'an passé, le Paléo festival avait eu la bonne idée de consacrer une soirée entière au metal avec Iron Maiden et The Raven Age sur la grande scène, ainsi que Prométhée, Steve N'Seagulls (et ses reprises redneck de tubes heavy) ou encore Eluveitie sur les scènes secondaires.


En 2017, rien de tel malheureusement, mais quand même une soirée bien rock, avec les Red Hot Chili Peppers et deux ovnis venus tout droit de France voisine : The Inspecteur Clouzo et Carpenter Brut.

Les RHCP à Nyon, c'est l'événement 2017, le concert dont tout le monde rêve depuis des années et dont tout le monde parle depuis son annonce au mois d'avril lorsque la programmation a été dévoilée.

Selon les propres déclarations des programmateurs, c'est après des années d'efforts et après avoir fait les yeux doux au management du groupe en lui présentant le site l'an passé, que le rêve californien est devenu réalité. Belle victoire qui mérite d'être saluée car le groupe fait des festivals bien plus imposants en Europe cet été.

Après une journée entière sous un soleil de plomb, que les plus courageux ont bravé en s'accrochant aux crash barrières des heures à l'avance afin d'être aux premières loges, c'est une masse très compacte qui fait face à la scène et attend le début d'un concert déjà (trop?) annoncé comme mythique et dont le départ a été fixé à 23.30.

Ne respectant rien, ni la traditionnelle annonce du speaker et encore moins l'horaire pourtant d'habitude très rigide (on est en Suisse quand même), c'est avec bien dix minutes d'avance que Flea, Chad et Josh débutent une jam dès leur entrée sur scène. Quelques minutes pour se chauffer les doigts et voilà que Kiedis les rejoint pour lancer Can't Stop. Pour un démarrage en douceur, faudra repasser. Devant, cela bouge beaucoup et l'espace vient vite à manquer. Heureusement, le groupe enchaîne rapidement avec deux morceaux plus calmes Snow Hey Ho et Scar Tissue qui permettront aux premiers rangs de souffler un peu, voire de retrouver ses chaussures.

Kiedis n'a pas l'air très satisfait de ses retours et fera de grandes signes à son équipe jusqu'à obtenir la correction souhaitée. Depuis la fosse, le son est vraiment bon (à défaut d'être fort) et le groupe est impressionnant de vivacité. Cela bondit, court saute, se trémousse, enfin sur scène car dans le public hormis les premiers rangs, cela restera sagement tranquille. Comme souvent, le mélange digestion continue, consommation exagérée et soleil éclatant a déjà bien calmé un public presque apathique.

Certes, la voix n'est pas d'une justesse folle, mais cela a toujours été comme cela avec les Red Hot et ce qu'il lui manque dans la voix, Kiedis le compense aisément avec son énergie.

Le petit jeune, ou le dernier arrivé selon votre préférence, c'est Josh Klinghoffer, le guitariste qui avait mis son beau t-shirt du CERN et qui, le pauvre, a la tâche impossible de faire oublier John Frusciante (parti il y a déjà plus de dix ans s'enterrer dans des projets solos si abstraits que même sa maman n'arrive pas à écouter). Et bien malgré, plus de dix ans au compteur à piments, il faut constater que ce jeune homme est toujours loin du compte. Sur disque, son apport est correct, mais en concert, il peine, malgré ses efforts indéniables, et quand il veut y mettre du sien, c'est pour une version bien étrange de Californication qui lui attirera les foudres d'une partie du public. S'il ne bouge pas trop le spectateur du Paléo n'accepte pas pour autant que l'on abîme les classiques promis à ses oreilles.

Après un inattendu et rare Wet Sand, le groupe joue une bonne minute de I Wanna Be Your Dog (Iggy Pop) qui se transforme rapidement en Me And My Friends, un des premiers classiques live des RHCP, qui faisait les beaux jours de leurs concerts il y a près de 30 ans en arrière et qui est toujours régulièrement joué.

Avec une setlist assez différente chaque soir de cette tournée estivale, le groupe voyage entre ses nombreux albums au gré de ses envies. Il faut dire que son répertoire est tel qu'il peut même se payer le luxe de zapper un titre aussi majeur qu'Under The Bridge, sans que personne ne crie au scandale.

La fin de set est épique avec un Suck My Kiss qui prend toute sa dimension en concert, puis Soul To Squeeze et By The Way.

Kiedis a bien entendu tombé la casquette puis son tee shirt depuis longtemps lorsque le groupe revient pour le rappel. Ce sera d'abord un bout du morceau de Nick Cave sur le boson de Higgs découvert au CERN (et joué ici même par son auteur 4 plus tôt lors d'un concert mémorable). Pas de doute Josh Klinghoffer a du s'arrêter visiter le CERN sur la route du Paléo. Puis, deux titres uniquement, d'abord le récent Goodbye Angels , jolie mélopée trop gentille qui illustre bien le problème de The Getaway, trop mou (mais dont 5 titres seront joués ce soir) et enfin le classique Give It Away dont je ne me lasserai jamais. Un titre monstrueux qui a réussi à imposer les RHCP aux début des années 90s alors que Nirvana, Metallica, Faith No More et Guns N'Roses étaient à leur apogée et ne laissaient que des miettes aux autres Dommage, on en aurait bien voulu encore un peu, mais après un titre pareil, impossible de suivre sans faire retomber la sauce (ah voilà enfin la métaphore culinaire obligatoire).

Pour avoir vu les RHCP en 96 avec Dave Navarro et en 99 avec John Frusciante, il ne fait aucun doute que Josh Klinghoffer n'est pas du même acabit. En attendant de trouver mieux, il fait le boulot, mais sans plus.

Dès le lendemain, les critiques sont tombées sur ce concert avec plus ou moins de férocité. Etonnant car si ce n'est pas le concert de l'année, c'est quand même un petit événement de faire venir les RHCP à Nyon et ce concert de la soirée d'ouverture 2017 était plus que plaisant à défaut d'être monstrueux. Ceux qui étaient à proximité de la scène ont pu en prendre plein les yeux et les oreilles. Forcément, les autres pas trop malheureusement. Cela fait plus de 20 ans que l'on dit que Anthony Kiedis chante faux, cela n'allait pas s'améliorer juste pour Paléo. Les RHCP sont venus avec leurs qualités et leurs défaut pour un set authentique de 90 minutes (on est loin des 70 minutes de la tournée Californication) et ceux qui s'en étonnent ne les ont probablement jamais vus avant leur venue à Paléo. Ceux qui suspectent du playback sont bien à côté de la plaque, car quitte à faire du playback alors autant prendre une bande avec des vocales de meilleure qualité. Sinon, les petits délires instrumentaux entre Flea et Josh au début de la plupart des morceaux rendent très vite caduques toutes les théories du complot playback. A noter enfin que depuis plusieurs années déjà, chaque concert est enregistrée et peut être acheté peu après officiellement. Il sera donc possible de réécouter la prestation nyonnaise pour tous ceux qui veulent se faire un deuxième avis ou tout simplement se faire plaisir en se remémorant cette soirée.

Avant les RHCP, on a pu voir un concert au Club Tent du groupe français Carpenter Brut. Oui, Carpenter comme John Carpenter, le maître du film fantastique et d'anticipation. Basé sur un concept assez dingue, ce groupe joue une musique constituée d'un savant mélange de bande-son de film eighties avec une électro plus moderne et surtout des riff de guitare heavy metal. Le tout dans une obscurité rougeâtre (impossible à photographier, en plus sans accès à la fosse pour ce concert) avec en arrière-fond des projections d'extraits de films (notamment le clip de la chanson Hot Night (BO de Ghostbusters) curieusement sous-titrée en espagnol), pour un ensemble assez bien ficelé. Un chouette délire à voir dans le cadre d'un festival, mais pas forcément en tête d'affiche.

Autre surprise de ce mardi soir, la présence sur la grande scène de The Inspector Clouzo pour un rock blues agricole qui fricote allégrement avec le hard rock. Les deux français, éleveurs dans le civil dans un coin (forcément) perdu des Landes, n'ont qu'une batterie et une guitare (une gibson SG comme Angus Young quand même) pour s'accompagner, mais remplissent malgré tout facilement tout l'espace qui leur est accordé et parviennent à rassembler pas mal de monde devant la grande scène à une heure où le soleil cogne aussi fort que le batteur et son faux air de Super Dupont. A première vue, on les imagine être venus en tracteur boire des coups chez les collègues de Nyon, mais c'est bien deux musiciens talentueux et sympathiques qui ouvraient la grande scène ce soir avant Foals et les RHCP. A découvrir ou à suivre.

Foals, dont je connaissais très mal le répertoire s'est en revanche avéré un peu mou du genou pour occuper dignement la scène entre The Inspecteur Clouzo et les Red Hot.