La 26ème édition du festival avenchois Rock’Oz Arènes restera dans
les mémoires de ceux qui aiment le rock et le metal, notamment la
soirée du jeudi dont l’affiche était particulièrement audacieuse
pour un festival grand public. On pouvait en effet y apercevoir sur
la grande scène rien de moins que No One Is Innocent, The Sisters of
Mercy et Marilyn Manson. Enfin apercevoir c’est un grand mot pour
les Sisters qui ont réussi l’exploit de reproduire l’épais
brouillard nord vaudois sur scène.
No One Is Innocent
No One Is Innocent, pour reprendre par le début ce deuxième jour de
festival, c’est un peu les Rage Against The Machine français dans le
style et l’esprit. Une énorme énergie en live et des titres
contestataires qui sont malheureusement toujours d’actualité. Pour
ceux qui avaient vibré avec un morceau comme La Peau il y a presque
un quart de siècle en arrière, c’est une chouette surprise de les
retrouver en concert et de réentendre les classiques de l’époque. Le
groupe a l’air content d’être là et envoie du bois comme des petits
jeunes morts de faim. Kemar le chanteur profite d’un public
majoritairement francophone pour pouvoir communiquer entre les
morceaux. Pas sûr que le public des Sisters et du Pale Emperor soit
conquis car musicalement c’est bien différent, mais en tous les cas,
personne ne se sera plaint de cette solide prestation du groupe
français.
The Sisters Of Mercy
Plus habitués aux clubs et à quelques festivals spécialisés, le
groupe de Leeds a pour une fois droit aux honneurs d’une grande
scène. Ce soir, il s’agit du premier concert d’une tournée
européenne d’une vingtaine de dates, qui devrait permettre de
répondre à plusieurs inconnues. Tout d’abord sur le matériel proposé
car Andrew Eldricht annonçait des changements significatifs. Au
final, il n’en sera rien. Comme depuis 10 ans déjà, ce sont donc
Chris Catalyst et Ben Christo aux guitares qui accompagnent le
leader des Sisters. La setlist a été pratiquement identique à celle
de l’an passé et les versions des morceaux (i.e. plus rapides et
plus metal que sur album) sont celles que l’on entend à chaque
concert. Absolument aucune nouveauté.
L’autre inconnue de la
soirée était de savoir si l’usuelle machine à fumigène allait
suffire à recouvrir toute une grande scène d’un festival open air.
Pour le plus grand malheur des photographes et d’une bonne partie du
public, la réponse fut oui, sans problème !
22h30, les fumigènes tournent à plein régime et trois ombres lancent
More puis Ribbons (exactement le même départ de concert qu’à Fri-son
en mars 2016). On ne voit pratiquement rien comme d’habitude. Eux
probablement non plus, car ils ont tous, même Ben, des lunettes
noires sur les yeux. Ceux qui n’ont pas déjà vu les Sisters sont
dubitatifs. Surtout que les écrans géants sur les deux côtés de la
scène ne diffusent pas les images du concert, mais des extraits de
cartoons, mangas ou de vieilles séries B.
Le groupe continue
directement à piocher dans son dernier album Vision Thing (qui date
quand même de 1990...) avec le désormais traditionnel medley Doctor
Jeep / Detonation Boulevard.
Entre deux coups de stroboscope,
on voit que Ben Christo sur la droite de la scène a un t-shirt
Killswitch Engage et qu’Eldricht a abandonné le fluo pour un hoodie
blanc flanqué du logo de son groupe, probablement pour s’assurer
qu’on le reconnaisse backstage. Petite touche inédite, le bonhomme a
une lampe de poche attachée au pantalon sans que l’on ne devine
vraiment pourquoi.
Si le son sur les premiers morceaux est
vraiment mauvais (depuis le pit en tous cas), cela s’améliorera
heureusement assez vite. Et comme par miracle, la voix est bien
distincte dans le mix.
Le groupe ne jouera finalement que
trois de ses fameux morceaux jamais enregistrés : Arms, Summer et
Crash And Burn, préférant se concentrer sur un répertoire plus
connu. Il faut dire qu’une bonne partie du public est là pour Manson
et découvre les Sisters pour la première fois.
On aura ainsi droit à tous les classiques : Alice, Marian, First
And Last And Always, Dominion Mother Russia, Vision Thing, etc. Mis
à part Jihad exhumée de l’album de The Sisterhood ou l’ancien A Rock
And A Hard Place ressuscité, le matériel proposé ce soir n’a rien de
particulier. Le groupe sortira très brièvement de scène pour revenir
faire un rappel convenu conclu avec Temple Of Love et This
Corrosion.
Eldricht semblait particulièrement en forme et
content d’être là. Il était presque souriant et loquace (sans que
l’on ne comprenne rien de ce qu’il a pu marmonner au public),
peut-être parce qu’il pouvait fumer à sa guise vu que l’on était en
plein air. Sur scène, il a fait preuve de pas mal de complicité avec
Chris Catalyst et le public vers lequel il s’est longuement approché
durant le rappel.
Malheureusement, le concert de Zeal & Ardor
se chevauchait en bonne partie avec le set des Sisters, de telle
sorte que je n’ai pu en voir que la fin. C’était suffisant pour
regretter de ne pas en avoir vu plus. Ce mélange totalement inédit
de metal et de negro spiritual est vraiment excellent et le groupe
jouait divinement bien. Il est clair qu’on les reverra sur une
grande scène d’ici peu.
Marilyn Manson
A l’évidence, le retour 12 ans plus tard à Avenches de Marilyn
Manson était l’événement de la soirée. Les arènes sont remplies
(7'500 personnes), malgré le fait que ce soit un jeudi soir, qu’il
est minuit et demi et qu’il commence à faire drôlement froid.
Un énorme rideau cache la scène alors que la sono fait résonner
The End le classique des Doors. Le public gronde un peu car il y a
du retard. Le rideau s’ouvre enfin et on aperçoit un immense trône
au milieu de la scène sur lequel est assis Manson. Le premier
morceau est un extrait du prochain album dont la sortie a été
repoussée à cet automne. C’est toujours appréciable d’avoir droit à
ce genre de petite exclusivité.
Retour direct en terrain
connu avec This Is The New Shit puis Mobscene, pour enfin voir le
public se lâcher.
Le haut du front teint en bleu et le rouge
à lèvres baveux, la bête elle ne sera restée assise qu’une petite
minute avant de traverser la scène de long en large, slalomant entre
ses musiciens. Le bonhomme fait moins peur qu’à l’époque où il
s’infligeait volontairement des coupures sur le torse. Aujourd’hui,
ce sont plutôt ses implants qui sont effrayants.
Musicalement, le concert est de toute bonne facture. Le son est
vraiment bon, le groupe très à l’aise avec les morceaux, y compris
les quatre très bonnes nouvelles chansons jouées ce soir. Au niveau
visuel, c’est en revanche assez pauvre. Hormis l’imposant trône sur
scène, il n’y a pas grand-chose à voir et même la pauvre déco
locale, des petites licornes gonflables du festival, sera rapidement
détruite à coup de micro-poing américain !
Manson lui-même
sait admirablement bien faire le show et communique beaucoup avec
les premiers rangs en s’avançant sur le petit promontoir devant la
scène. Si cela paraît plutôt sympa de prime abord, cela devient vite
lassant car cela s’éternise et surtout on est venu l’entendre
chanter et non causer. Pour l’avoir vu de près depuis le pit, j’ai
trouvé qu’il avait l’air bien entamé et un peu en mode pilotage
automatique, d’où peut-être ses errances entre les morceaux.
Le moment fort de sa prestation fût sa reprise d’Eurythmics sur des
échasses, ainsi qu’une solide version de The Beautiful People en fin
de set.
Le rappel débute avec un des nouveaux titres, Say Ten
joué de manière acoustique et la soirée se terminera à deux heures
du matin après son Irresponsible Hate Anthem.
En conclusion,
un bon concert, c’est-à-dire très bon par moments et très moyen par
d’autres. Si le son était bien mixé, la voix de Manson est quand
même aussi limitée que les décibels en Suisse. On retiendra surtout
que les nouveaux morceaux sont prometteurs et que les anciens
fonctionnent toujours aussi bien. A confirmer cet automne (23
novembre) à Zurich dans le cadre du Heaven Upside Down Tour.
Merci à Rock'Oz et à son programmateur Michel May pour la prise de
risques (et avoir enterré la soirée electro au passage), ainsi qu'à
Valentine du service de presse.
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